ARTICLE
D’une analyse de cycle de vie
à la transformation du modèle économique

L’économie de la fonctionnalité
qu’est-ce que c’est ?
Aussi dénommé EFC : économie de la fonctionnalité et de la coopération
L’économie de la fonctionnalité est un modèle économique innovant qui privilégie l’usage des biens et services plutôt que leur possession. Contrairement au modèle traditionnel basé sur la vente en volume, ce système repose sur la performance d’usage, où le vendeur reste propriétaire du bien tout au long de son cycle de vie et propose des services adaptés aux besoins des utilisateurs via des contrats spécifiques.

La location de vélos en ville illustre l’économie de la fonctionnalité, en remplaçant l’achat par l’usage, avec un opérateur qui reste propriétaire des vélos et en assure la maintenance. Ce modèle favorise une mobilité plus durable en optimisant l’usage des équipements, réduisant les ressources consommées et rendant l’accès au service plus inclusif.
L’économie de la fonctionnalité repose sur 3 axes :
- Sobriété matérielle : Réduction de l’extraction des ressources naturelles grâce à des pratiques telles que le réemploi, la réparation et l’écoconception. Cela permet d’allonger la durée de vie des produits tout en diminuant leur impact environnemental.
- Création de valeur immatérielle : Développement des compétences, amélioration de la qualité de vie et coopération entre les différents acteurs d’un territoire (entreprises, collectivités, citoyens), favorisant une économie locale et durable.
- Dynamique territoriale : Mise en place de partenariats locaux pour répondre aux enjeux sociaux et écologiques tout en adaptant l’offre aux besoins réels des consommateurs.
Exemples concrets d’entreprises ayant intégré l’économie de la fonctionnalité
- Xerox loue ses photocopieurs au lieu de les vendre, facturant à l’usage. Ces machines sont conçues pour être réparables et recyclables, avec jusqu’à 90 % de composants issus d’anciennes machines.
- Michelin propose un service où les pneus sont facturés au kilomètre parcouru. Ce modèle a permis d’augmenter leur durée de vie tout en générant davantage de revenus.
- Canon offre un service d’impression basé sur les besoins des entreprises, sans nécessité d’achat d’imprimantes.
- Decathon, qui permet un service de location sur de nombreuses de ses gammes allant des vélos aux appareils fitness en passant par le matériel de golf.
- Loomi qui propose un service de location de matériel dédié à la randonnée et au bivouac.
- Poppins, lancée en 2025, avec pour but de favoriser le partage d’objets entre particuliers. Un des exemples marquant étant la durée d’usage moyenne d’une perceuse, de 15 minutes.
- Gemo, qui a mis en place la location de vétêments de grossesse. Cela permet de louer jusqu’à 8 vétements par cycle de location et ainsi d’éviter une grande quantité d’achats qui servira peu dans la durée.
De nombreux avantages pour les entreprises mais aussi pour la société
L’économie de la fonctionnalité présente plusieurs bénéfices selon le ministère de la transition écologique, qui s’appuie également sur le retour d’expériences de plus d’une décennie de l’ADEME ou encore des avis du CESE :
- Réduction des impacts environnementaux : En favorisant l’utilisation prolongée des biens et leur maintenance, ce modèle limite la consommation de ressources naturelles et les déchets générés.
- Durabilité économique : Les entreprises gagnent en compétitivité grâce à une meilleure fidélisation des clients et une réduction des coûts liés à la production en masse.
- Robustesse de votre chaîne de valeur et de vos approvisionnements dans un contexte d’incertitude géopolitique et économique (ex : conflits, droits de douane, compétition mondiale, pandémie)
- Adaptation aux besoins réels : Les offres sont personnalisées pour répondre précisément aux attentes des consommateurs tout en intégrant les enjeux du développement durable.
« L’économie de la fonctionnalité constitue un des sept piliers de l’économie circulaire et s’inscrit dans les actions portées par les acteurs économiques. Fondé sur la mise à disposition d’un usage plutôt que sur la possession d’un bien, ce modèle est très prometteur pour un développement durable de notre société »
ADEME, Panorama national et pistes d’action sur l’économie de la fonctionnalité
Un levier pour la transition écologique
En s’inscrivant dans une logique d’économie circulaire, l’économie de la fonctionnalité aide à préserver les ressources naturelles tout en transformant les pratiques commerciales. Elle encourage une consommation responsable où le bien devient un service, contribuant ainsi à un avenir plus durable et respectueux de l’environnement.
Cas client CorpoKarma
une étude stratégique d’un client Retail pour enclencher la démarche
Et tout commença par… l’analyse de cycle de vie, un outil performant d’aide à la décision
Dans le cadre d’un accompagnement avec un client du secteur retail, nous avons réalisé l’Analyse du Cycle de Vie (ACV) de quatre de leurs produits.
La conclusion : La majeure partie (65 à 95%) des impacts environnementaux se situe dans la phase d’extraction des matières premières, de fabrication et d’approvisionnement des produits. Ceux-ci sont par ailleurs utilisés sur des durées de vie très courtes (quelques semaines à quelques mois) par leurs jeunes utilisateurs, alors que ce sont des produits de qualité, qui conservent leur fonction pendant de longues années

Lors de notre atelier plan d’actions d’écoconception post-ACV, nous avons identifié avec les équipes de notre client (marketing, design, achats, etc.) plusieurs pistes de réduction de l’impact :
- Réduire l’usage des matières notamment à fort impact (ex : plastique, métaux, suremballage), tout en restant dans un modèle économique linéaire.
- Allonger la durée d’utilisation du produit en permettant à plusieurs utilisateurs d’en profiter. Un levier bien plus intéressant en termes d’impact, puisque les produits concernaient des usages de quelques mois seulement. Pour ce faire, la réflexion a porté sur la mise en place d’une solution d’économie de la fonctionnalité.
Passer de la vente à l’usage : 10 mois pour construire avec les équipes un nouveau miodèle économique
CorpoKarma, pour permettre à son client de prendre une décision éclairée, a déployé un accompagnement sur 10 mois pour :
- Comprendre le secteur de la seconde main et de la location, les réussites, les échecs et les partenaires sur lesquels s’appuyer
- Définir les principes directeurs avec la direction de l’entreprise (marché, marge, partenaires possibles, niveau d’investissement et de risques, etc.)
- Embarquer l’ensemble des équipes (marketing, design, production, achat, qualité…) de l’entreprise afin de faire monter en compétences l’entreprise, de partager les opportunités et risques que chaque métier perçoit et de trouver collectivement des scénarios viables
- Explorer avec les consommateurs leurs besoins, leurs envies, leurs freins et leur appétence pour ce type d’offres.
- Simuler plusieurs options de modèle d’affaires afin d’identifier les scénarios viables économiquement selon les principes directeurs définis
- Comparer les gains environnementaux du modèle EFC dans le temps
- Intégrer ce modèle à la stratégie et à la roadmap produit de l’entreprise.
L’embarquement des équipes, un pré-requis
Pour déployer une transformation culturelle dans l’organisation, nous avons réalisé deux jours d’ateliers impliquant plus d’une trentaine de personnes. En partant du constat de pivotement de modèle économique, le but était de coconstruire le cahier des charges du modèle, ses prérequis, ses risques et ses pistes pour les mitiger.
Ces ateliers ont ainsi permis de poser les bases du modèle : partir de la gamme existante, préserver les résultats financiers tout en améliorant l’impact, travailler en direct auprès des consommateurs, externaliser les opérations ou encore utiliser les produits avec les moins de SAV possible et passer par un système de location mensuel.
Cette implication des équipes a été régulière lors du projet. Elle doit concerner les équipes produits, ventes, achats, commerce, qualité, les fonctions supports qui doivent pouvoir anticiper les risques (juridiques, RH, autres clients) ainsi que les solutions à apporter (IT, ressources).
Comprendre les besoins du client et leurs comportements consommateurs
Nous avons fait réaliser deux études complémentaires, qualitative (22 foyers suivis pendant plusieurs semaines) et quantitative (350 foyers répondants via questionnaire).
Les conclusions ? Une grande majorité considère qu’une solution de location permet de réduire l’encombrement chez eux et favoriser la découverte, la nouveauté.
Par ailleurs, ce type d’étude permet d’identifier le potentiel marché de la solution et de faire des modélisations. Ainsi, nous avons identifié que la solution pourrait s’adresser, une fois déployée, à plusieurs milliers de clients potentiels.
Etudier le fonctionnement du marché
Secteur en pleine expansion, la seconde main attire des acteurs historiques de la vente comme de nouveaux arrivants qui proposent des solutions de rupture.

Nous avons ainsi pu échanger et mieux comprendre le modèle économique de certains de ces nouveaux acteurs.
Ce travail a également eu pour but d’identifier un partenaire externe potentiel sur lequel notre client pourra s’appuyer lors de sa phase test. Nous avons ainsi créé un cahier des charges techniques permettant d’identifier un partenaire à la fois digital et opérationnel, capable de déployer à une échelle nationale voire européenne.
Nous avons également cherché à identifier les compétences opérations clés notamment la capacité à remettre en état et hygiéniser le produit et de réduire au maximum le délai de traitement et de stockage. Sur la partie hygiène, il a fallu identifier la solution à moindre impact sur le modèle économique mais également sur la partie environnementale et ne portant pas impact à la qualité du produit.
Modéliser les impacts environnementaux au travers d’une ACV comparative
Sur la base du cahier des charges, des retours des consommateurs et du secteur, nous avons pu réaliser des modélisations de l’impact potentiel d’une offre de location de ces produits.
Le modèle le plus conservateur (6 utilisateurs pour) le produit, changement de cartons à chaque aller-retour) montre une réduction de l’impact sur le changement climatique de 65% par rapport à l’achat de ce même produit par 6 consommateurs.
Le modèle le plus optimiste (20 utilisateurs, 1 carton réutilisé pour 4 rotations) permet de réduire ce même impact de 81%.
Nous avons travaillé sur 6 indicateurs d’impacts :
- La destruction de la couche d’ozone (unité : kg éq. CFC-11)
- L’épuisement des ressources minérales (unité : kg éq. SB)
- Le changement climatique (unité : kg éq. CO2)
- L’acidification, qui provoque notamment des pluies acides (unité : kg éq H+)
- L’eutrophisation des eaux douces qui favorise la prolifération d’algues et la dégradation des milieux aquatiques (unité : kg éq. P)
- L’oxydation photochimique, qui cause des problèmes pour la santé humaine (unité kg éq. COVNM)

De telles réductions ne s’observent que dans l’économie de la fonctionnalité, car elle permet de réduire l’extraction de matières premières, la fabrication et les approvisionnements longue distance.
A noter que la réduction de l’impact lié à l’appauvrissement de la couche d’ozone est bien moins importante, compte tenu de l’augmentation de la logistique nécessaire pour transporter le produit des entrepôts aux clients finaux et inversement.
Scénariser un modèle économique viable
Pour permettre une décision éclairée, nous avons coconstruit avec les directions marketing, commerce, financière et générale plusieurs scénarios de modèles économiques indiscutables sur trois ans. Au préalable, nous avons réalisé des tests de sensibilité qui nous ont permis d’identifier six paramètres clés : le nombre de clients attirés, le prix de l’abonnement mensuel, les coûts de transport, le nombre de cycles d’utilisation du produit, la durée de conservation par l’utilisateur et le niveau de surstock pour assurer le service.
Trois scénarios ont ainsi vu le jour :
- Un pessimiste avec peu d’évolution du nombre de clients, une durée de conservation courte des produits et une usure rapide, qui est structurellement déficitaire (-34% à trois ans).
- Un réaliste (modèle équilibré) qui est à l’équilibre (-1% de marge).
- Un optimiste avec une forte croissance des clients, une durée de conservation des produits et leur durée de vie allongée, qui permet d’atteindre une rentabilité importante (23% de marge).

De telles réductions ne s’observent que dans l’économie de la fonctionnalité, car elle permet de réduire l’extraction de matières premières, la fabrication et les approvisionnements longue distance.
A noter que la réduction de l’impact lié à l’appauvrissement de la couche d’ozone est bien moins importante, compte tenu de l’augmentation de la logistique nécessaire pour transporter le produit des entrepôts aux clients finaux et inversement.
Faire coexister les modèles
Cette étude a permis de démontrer la possible coexistence des deux modèles économiques. En effet, l’EFC permet d’adresser une clientèle (existante et nouvelle) prête à basculer sur de nouveaux modèles de consommation et donc de se positionner sur de nouveaux segments de marché.
À l’argument souvent opposé « est-il bénéfique d’être le premier sur ce marché ? », nous identifions plusieurs réponses :
- Les précurseurs bénéficient d’une visibilité accrue en termes de communication et de crédibilité (Mustella annonce arrêt lingettes).
- Itérer et tester une nouvelle chaîne de valeur (logistique inversée, enjeux de stockage, nouvelles compétences à acquérir – stratégie make or buy).
- Sur le court terme, le nouveau business model est générateur d’un nouveau revenu qui permet de se préparer à la bascule progressive de la demande de la propriété vers l’usage.
Restitution et déploiement
Cette étude, à la fois stratégique et opérationnelle, a permis au comité de direction, ainsi qu’à l’actionnaire du client, de pleinement s’approprier les vertus de l’économie de la fonctionnalité, tant en termes économiques que d’amélioration des impacts ou de l’attractivité et de la marque employeur.
Dans un contexte économique complexe avec des conditions d’approvisionnement incertaines pour les organisations, le déploiement de démarches d’économie de la fonctionnalité, qu’elles portent sur de la location ou encore de la seconde main, permet aux décideurs de développer des modèles d’affaires plus résilients.
Vous souhaitez
vous lancer dans l’économie de la fonctionnalité ?
Nos 7 conseils pour lancer votre entreprise
- Mesurer l’impact environnemental de vos produits et analyser les gains potentiels liés à au modèle d’EFC
- Etudier aux besoins des consommateurs et aux usages de vos produits.
- Impliquer l’ensemble de vos équipes dans la réflexion sur les nouveaux modèles.
- Définir un modèle économique rentable et réaliste en associant vos directions générales et financières afin d’assurer la viabilité économique de votre projet
- Tester et itérer votre modèle, en augmentant le niveau de risque et d’investissement progressivement, afin d’affiner votre modèle et d’embarquer les équipes et les clients
- Embarquer votre écosystème dans une réflexion sur l’évolution de votre filière.
- S’inspirer et partager avec d’autres acteurs ou partenaires potentiels ayant déjà déployés cette démarche.
Et n’hésitez pas à nous contacter directement pour échanger autour de votre projet : hello@corpokarma.com ou réservez un échange avec un de nos experts.
Pour vous aider dans cette démarche, des possibilités de financement existent, comme par exemple le dispositif d’étude d’écoconception des produits et services de l’ADEME. Ce financement, soumis à dépôt de dossier, peut permettre de financer jusqu’à 80% des études et montants de déploiement (dans la limite du plafond maximal).